И обращались они не только к  Марио и Луиджи

M. DE CAIX,

À DESTINATAIRES NON DÉSIGNÉS.

N. Paris, 26 octobre 1918.

J’ai déjeuné hier chez Boghos Nubar avec tout un groupe des Arméniens qui constituent le Conseil national de leur peuple en Occident — j’ai fait quelques observations et réflexions dont je crois d’autant plus devoir vous faire part que je sais par Kammerer comment se pose la question de l’armistice avec la Turquie.

Nous avons sans aucun doute dans l’accord de mai 1916 une arme pour agir sur les Arméniens. Hier ceux-ci ont affecté de croire que les circonstances rendent cet accord caduc et, quand je me suis nettement refusé à entrer dans cette vue, ils m’ont dit que puisque la France réclamait une situation particulière dans une si grande partie des territoires arméniens 1, elle devait prendre en mains le sort de toute la nation arménienne. Bref, ils m’ont proposé de joindre à notre zone les vilayets de l’est que la défaillance de la Russie laisse en déshérence et d’assurer le développement de toute la nation arménienne sous notre contrôle qu’ils comptent bien rendre aussi peu durable et aussi normal que possible.

Je les ai naturellement comblés de bonnes paroles et j’ai affirmé la fierté que nous aurions de jouer un tel rôle. Mais, en y réfléchissant, je me demande s’il n’est pas nécessaire, pour essayer de mettre en valeur l’accord de mai 1916, de prendre en effet ce rôle, avec toutes les arrière-pensées qu’il comporte.

Trois forces combattent dangereusement contre notre action en Arménie et même en Syrie : l’engouement démesuré que l’on a partout pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la foi que l’on a chez nous ou affecte d’avoir dans certains milieux socialistes et même autres dans ce droit, cette espèce de malthusianisme politique qui confond le ratatinement avec la prudence et qui rend une bonne partie de notre bourgeoisie hostile à tout effort en Asie mineure.

Aucun peuple n’est plus capable que les Arméniens d’organiser contre l’expansion de la France l’emploi de ces forces. Ils sont les clients chéris des piétistes anglais et américains auprès desquels ils ont pour avocats tous les missionnaires américains qui n’aiment pas la France représentante du « papisme » en Orient. Ils savent fort bien manier le jargon de la démocratie, s’insinuer dans les milieux où il a cours ; ils ont des agents et des intermédiaires pour agir sur la presse. Quant au malthusianisme politique rien ne peut mieux l’inspirer que l’Arménie, chaos de montagnes où l’on se massacre. Bref il y a bien des chances, si nous ne savons pas engager à

1 Les accords Sykes-Picot de mai 1916 accordaient à la France en administration directe le littoral syrien et la Cilicie. Celle-ci comprend effectivement des territoires peuplés d’Arméniens.

temps la politique de notre pays, pour que nous nous effacions en Arménie — y compris la Cilicie — devant le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

Peut-être pourrait-on essayer de conclure immédiatement avec les Arméniens un pacte basé sur notre renonciation au partage qui résulterait de l’application de l’accord de 1916, à la condition qu’ils demandent au monde de donner mandat à la France d’être la directrice de leur organisation comme peuple libre. Nous ne renoncerions pas ainsi à une valeur facile à réaliser car, dans l’atmosphère actuelle, je ne vois pas comment nous pourrions réaliser l’accord de 1916 contre la clameur, entretenue par les Arméniens au dehors et en France même, contre un impérialisme français qui tendrait à dépecer la nation arménienne. Leur appel pourrait déterminer notre action, faciliter l’envoi en Cilicie, dont nous devrions par nos arrangements avec les Anglais, nous réserver l’occupation en cas d’armistice, des contingents arméniens qui forment à peu près la moitié du petit corps qui figure sous notre drapeau dans l’armée du général Allenby. En même temps il faudrait que les Arméniens fassent descendre vers le sud une partie des contingents d’Andranik qui se mettrait à la disposition de notre haut-commissaire.

Je crois que, dans leur désir d’écarter l’obstacle de l’accord de 1916 dans lequel j’ai affirmé une foi plus forte que je ne l’ai en réalité, les Arméniens feraient un pacte de cette nature avec nous, surtout si on sait aller vite. Ils en avaient d’autant moins peur qu’ils sont persuadés qu’ils n’auront jamais à nous servir que de la viande creuse, des présidences aussi vaines qu’honorifiques, qui leur serviraient tout au moins à faciliter l’obtention en France des emprunts qui seront nécessaires à organiser l’Arménie. Mes interlocuteurs d’hier m’ont paru fort intéressés sur ce dernier point.

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LIEUTENANT-COLONEL CHARDIGNY, COMMANDANT LE DÉTACHEMENT

FRANÇAIS AU CAUCASE,

À M. CLEMENCEAU, PRÉSIDENT DU CONSEIL, MINISTRE DE LA GUERRE.

L. Bakou, le 10 décembre 1918.

A la veille de la Conférence de la Paix où seront prises les décisions qui régleront les destinées des peuples du Caucase, je crois devoir vous rendre compte de la situation politique du pays, ainsi que des aspirations actuelles

des différents peuples, et je me permets de vous soumettre un projet d’organisation du Caucase qui me paraît susceptible de retenir l’attention.

L’historique des événements qui ont amené au mois de mai dernier la création des trois républiques indépendantes de Géorgie, d’Azerbaïdjan et d’Arménie, est connu. J’en ai donné un résumé dans les rapports nos 98, 99, 102, 104, 106, 107, 109, 110, 111, 112 d’avril, mai, juin derniers, adressés au général Lavergne 1.

Au cours des 6 derniers mois ces trois républiques n’ont pu procéder à aucun travail d’organisation utile et durable et la rapide victoire des Alliés a complètement et brusquement changé l’orientation des gouvernements et les perspectives d’avenir.

Depuis le 17 novembre, jour où je suis rentré à Bakou avec les troupes anglaises du général Thomson, j’ai eu l’occasion de m’entretenir fréquemment et longuement avec les représentants les plus autorisés des républiques de Géorgie, d’Azerbaïdjan et des montagnards du nord du Caucase et avec plusieurs personnes neutres au courant des choses du Caucase.

J’ai constaté chez tous, excepté chez les Russes :

1/ Un désir unanime d’indépendance en ce qui concerne les trois républiques visées au paragraphe précédent.

2/ Un manque absolu de confiance dans la résurrection de la Russie, qui va même jusqu’à une hostilité très nette chez le gouvernement géorgien.

3/ Une orientation générale vers les Alliés dont on sollicite la protection dans l’espoir d’obtenir d’eux immédiatement la paix, l’argent et toutes les garanties de développement social et économique.

Можно сказать «ДОЕОЛЕ!!!!!!!!!!!!!!!»(это его работа, он психует за меня за вас  и за Сашку!!!!!) но у нас стоят памятники мразям которые добровольно эти территории оккупантам отдавали.  

Ces tendances peuvent se modifier dans l’avenir mais en ce moment elles s’accusent d’une façon très marquée.

Il en résulte une première question à envisager à la Conférence de la Paix : le Caucase deviendra-t-il une terre russe suivant le principe déjà posé par les Alliés ou deviendra-t-il comme le désirent les gouvernements et la partie éclairée de la population, une région où l’influence des Alliés remplacera l’influence russe ?

Les récents événements ont laissé dans le pays des haines trop vives pour qu’il puisse être question en ce moment pour les peuples du Caucase de choisir leur orientation sans parti pris et sans passion. D’autre part la reconstruction du pouvoir russe pouvant demander un temps assez long, peut-être plusieurs années, la nécessité s’impose pour les Alliés, non seulement d’assurer l’ordre par l’occupation militaire du pays, mais de régler eux-mêmes toutes les questions actuellement en litige entre Arméniens, Géorgiens et Tatars, en procédant à l’organisation rationnelle du Caucase sur des bases qui répondent à la situation actuelle des peuples, à leurs aspirations légitimes de façon à permettre le plein développement ultérieur de régions qui comptent parmi celles que la nature a le plus abondamment pourvues de richesses naturelles de toute espèce. L’ancien régime russe,

1 Documents non retrouvés.

après une période de conquêtes de 70 années, avait assuré la paix dans le pays, mais dans ses tentatives de colonisation au moyen d’éléments russes des peuples indigènes, n’avait pas tenu compte des aspirations et des habitudes des peuples, et le Caucase, jusqu’au début de cette année, était resté un pays de conquête, assujetti à la volonté et à la loi d’un maître obéi, mais pas aimé.

L’organisation actuelle du Caucase en 4 républiques indépendantes consécutives à l’effondrement de la puissance russe et à la menace de l’invasion turque, est-elle susceptible de procurer aux populations la paix et la prospérité auxquelles elles aspirent ? Est-elle viable ?

A cette question, je répondrai :

1/ que cette organisation n’est autre que la réalisation du plan de nos ennemis, plan qui peut se résumer ainsi :

a) Constitution au Caucase d’un grand Etat musulman du plan de nos ennemis, plan qui peut se résumer réunissant sous le protectorat turc les montagnards du Caucase du Nord et les Tatars de l’Azerbaïdjan. Cette conception, d’origine purement panislamique, en cas de victoires des puissances alliées, aurait amené le Croissant jusqu’au bord de la mer Caspienne. La République d’Arménie, née par la force des choses, réduite du reste à d’infinies proportions n’aurait eu qu’une durée éphémère, la disparition de ce qui reste du peuple arménien étant la conséquence directe et fatale du plan turc.

b) Création d’une Géorgie indépendante, sous le protectorat de l’Allemagne qui se serait chargée elle-même de l’exploitation des richesses naturelles de ce pays, le plus favorisé de tout le Caucase.

Напомню:

2/ Qu’aucune des 4 républiques nouvelles ne disposent de ressources suffisantes pour se créer une vie indépendante, assurant le développement ultérieur du pays. Deux d’entre elles, celle de l’Azerbaïdjan et celle des montagnards, ne disposent même pas d’une classe instruite assez nombreuse pour assurer la direction des affaires, la masse du peuple étant restée jusque-là dans un état de profonde ignorance.

3/ Depuis la création de ces républiques les régions du Caucase du Sud sont devenues les véritables Balkans de l’Asie. Si chacune d’elles conservait son indépendance et comme conséquence son armée, il serait impossible d’envisager la paix pour l’avenir ; Arméniens, Géorgiens d’une part, Arméniens et Musulmans de l’autre, ne pourront jamais vivre armés côte à côte sans éprouver le besoin de faire usage de leurs armes.

4/ Les 3 républiques du sud du Caucase renferment dans leur sein des éléments irrédentistes russes de la steppe de Mougane et arméniens en Azerbaïdjan, adjars, abkhases et ossètes en Géorgie, musulmans en Arménie. D’autre part, Géorgiens et Tatars soutenus par les baïonnettes allemandes et turques ont incorporé par force à leurs territoires respectifs une partie des régions arméniennes.

J’en arrive donc à la conclusion que l’organisation actuelle du Caucase en 4 républiques n’est pas celle qui répond le mieux aux conditions

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